article de presse écrit par Joël Meyers pour ILOSPORT (equipe.fr)

Cet article veut réagir contre certains textes préconisant l'utilisation de charges exagérément lourdes dans les programmes de musculation alors qu'elles ne se justifient pas forcément...

Pour les enseignants d'EPS au lycée, il se trouve que je partage à peu près la même idée. Je trouve que les textes officiels mentionnent des charges inadaptées à notre jeune public et à certains mobiles. Les pourcentages présentés ne sont pas toujours compatibles avec les données physiologiques et anatomiques, mais également les données scientifiques issues de l'entrainement... (Voir article sur la musculation)

Les charges proposées par l'application EPS Muscu tiennent compte de ces données.

 

 

Faut-il soulever des charges lourdes pour se muscler ?

 

C’est tout au moins une idée bien établie qui, nous allons le voir, n’est pas toujours fondée.

S’il semble évident que l’effort musculaire est déterminant dans l’acquisition d’une plus grande force, l’article suivant va nous démontrer qu’il ne passe pas toujours par l’utilisation de charges lourdes ni par l’obligation de disposer de machines de musculation spécifiques.

 

Quel est l’objectif poursuivi ? Pourquoi se muscler ?

On peut schématiquement distinguer trois grands objectifs :

  • Se muscler pour accompagner un projet sportif :

C’est en général le cas de nombreux sportifs pratiquant un sport de compétition qui utilisent ou qui souhaitent utiliser la musculation à des fins d’amélioration de leur performance. Citons le cas par exemple du lanceur de poids ou du sauteur en hauteur en athlétisme, mais aussi du cycliste qu’il soit sprinteur sur route ou vététiste, ou bien encore du coureur, du kayakiste etc…

Plusieurs questions émergent alors. Utilise-t-on les mêmes exercices pour un lanceur de poids que pour un vététiste ? Développer ses muscles et donc prendre du poids de muscle se justifie-t-il pour un coureur ou un cycliste grimpeur ? Augmenter la section transversale de mes muscles me rend-il plus fort, plus endurant ou plus rapide ? Nous reviendrons bien évidemment sur ces questions après avoir terminé de présenter les deux autres objectifs.

  • Se muscler pour entretenir sa forme, pour être plus fort dans sa vie quotidienne et pour prévenir des accidents.

Il s’agit de conduire un développement physique en relation avec des objectifs liés à la santé et à la condition physique en général. A ce niveau, l’accent doit être mis sur l’acquisition d’un « habitus santé » (importance de la régularité de la pratique, d’une alimentation équilibrée, ainsi que de la pratique d’activités complémentaires comme la marche, le footing ou le vélo).

  • Se muscler pour que cela se voit.

En effet, même s’il est sans doute agréable et valorisant de renvoyer dans les objectifs 1 et 2, l’image d’un corps « sportif », il s’agit ici d’en donner la priorité. L’objectif est de solliciter sa musculature pour la développer en fonction d’un but esthétique personnalisé. Le travail de musculation va donc s’orienter soit vers la recherche de l’affinement de sa silhouette en perdant un peu de poids, en redessinant son corps (obtenir une meilleure image de soi), soit vers la recherche d’un gain de volume musculaire (sculpter son corps).

 

Quel type de musculation pour quel objectif ?

Vous avez compris que contrairement à l’idée répandue qu’il n’existe qu’une seule musculation, chaque objectif poursuivi définit une musculation différente et appropriée. Les différences de charges de travail, du nombre de séries, du temps de récupération ou de vitesse d’exécution apportent en effet autant de nuances que d’effets musculaires différents, voire parfois opposés ou inappropriés à l’objectif poursuivi.

  • Accompagner un projet sportif :

Tout dépend du sport pratiqué. Dans le cas d’une discipline exigeant de la puissance sur un temps relativement court (exemple du lanceur en athlétisme ou du sprinteur en cyclisme), l’accent sera mis sur le développement de la Force explosive effectuée à partir d’exercices de pliométrie (rebonds sans machine spécifique) ou utilisant des charges lourdes (75 à 90% de la Force maximale) déplacées avec une grande vitesse d’exécution (ex : presse pour les quadriceps ou développé-couché pour les pectoraux).

Une séance type pourrait être 3 séries de 3x 80% FMax réalisés de façon explosive avec une récupération longue entre les séries (4’).

S’il s’agit par contre d’améliorer sa performance dans un sport exigeant en Force mais également en endurance (exemple du vététiste), la Force explosive et la prise de masse musculaire importante ne se justifient plus ! On sait que c’est la Force comprise dans une fourchette de 30 à 50% FMax qui est majoritairement sollicitée lors d’une compétition de VTT par exemple. Ce sont donc les qualités musculaires aérobies qui sont déterminantes, or on sait qu’à partir de 25% de la Force maximale, il y a une entrave à l’oxygénation du muscle en sang artériel (riche en O2) et qu’à 45-50% FMax il y a obturation complète de l’apport en oxygène due à la compression du muscle au travail ! On devra donc orienter son travail vers le développement d’une Force d’endurance (capacité à résister à la fatigue musculaire sur le long terme). Les charges lourdes ne se justifient plus. Les séries et les répétitions doivent être nombreuses et la récupération courte.

Par exemple 6 séries de 20x 40% FMax avec 1’30 de récupération entre les séries (vitesse d’exécution modérée).

  • Objectif de santé:

Se sentir plus fort, plus endurant, mieux armé pour répondre aux exigences de la vie professionnelle ou quotidienne doivent ici correspondre aux conséquences du travail de musculation. Si le développement de la Force maximale peut être recherché, c’est surtout l’amélioration de la capacité à résister à la fatigue musculaire par une augmentation du niveau de Force générale et une amélioration des qualités musculaires qui sera poursuivie (Force d’endurance – voir plus haut). Les charges peuvent être abaissées et les répétitions augmentées.

Une séance pour cet objectif pourrait être 6 à 8 séries de 25-30x  35 à 25% FMax.

D’autre part, s’il est vrai que la Force augmente parallèlement à l’accroissement de la section transversale du muscle, elle augmente aussi grâce à l’amélioration des qualités musculaires. En effet, plus le geste est répété dans son contexte et plus il se rapproche de son utilité quotidienne, professionnelle ou sportive, plus la Force s’accroit par une amélioration des qualités neuro-musculaires. Le pourcentage de fibres sollicitées en même temps augmente (amélioration de la coordination intra-musculaire) et les groupes de fibres « apprennent » à mieux travailler avec leurs antagonistes, c’est à dire les muscles opposés souvent freinateurs du mouvement (amélioration de la coordination inter-musculaire). Ainsi un muscle de même section peut produire une plus grande Force (plus de fibres recrutées et moins de résistances). On comprend qu’une grande partie de la musculation en cyclisme par exemple se déroule sur home-trainer (avec résistance) ou sur son vélo (en côte), et non pas systématiquement en salle sous une presse…

  • Objectif esthétique:

2 cas de figure se présentent :

  1. affiner sa silhouette, redessiner son corps et/ou perdre du poids

A la lecture de ce qui précède, on peut concevoir ici également un travail d’endurance-force axé sur l’endurance (répétitions plus longues, 25 à 30 fois avec des charges plus légères comme 20 à 30% FMax), mais aussi et surtout des séances de cardio-training.

Le principe est le suivant :1  Choisir de 6 à 10 ateliers (squats charge légère – corde à sauter – abdominaux – développé bras avec mini haltères – exercices avec élastiques etc…) 2  Préparer son matériel (charges poids de corps jusque 30% Force Max)3  S’échauffer de 10 à 15’ sur Home Trainer ou tapis de course (ou rameur etc…)  4  Enchainer tous les exercices de la façon suivante:- 1’ par exercice (de 30 à 40 répétitions en fonction de la charge)- récupération = 5 à 10 secondes le temps de se placer correctement à l’exercice suivant.- Répéter cette série 3 fois- Récupération entre les séries = 3’ le temps de boire et de modifier ou réadapter éventuellement les charges (augmentation progressive entre les séries)… 5  Puis Home Trainer ou tapis de course en récupération (10’) 6  Terminer par des étirements très très légers (re-détendre les muscles).

La musculation est sollicitée dans son ensemble et la perte de poids, accompagnée bien évidemment d’une certaine hygiène alimentaire et sans doute d’autres activités complémentaires s’effectuera proportionnellement au temps passé à un certain niveau d’intensité (fréquence cardiaque assez élevée).

  1. Sculpter son corps. Prendre de la masse musculaire

Le travail répond ici au principe du body-building. Il est logique de concevoir des séances de développement de la Force Maximale par une augmentation de la section transversale du muscle (charges lourdes avec un nombre élevé de répétitions). Le nombre important de répétitions à une charge importante fatigue le muscle et l’oblige à accroitre le nombre d’unités motrices mobilisées.

Une séance pour cet objectif pourrait être 6 séries de 8 fois 70% Force Maximale à cet atelier. Récupération=2’

 

En conclusion :

Comme nous venons de le montrer, un travail de musculation avec des charges lourdes se justifie parfois, ainsi que l’utilisation de machines spécifiques (Puissance et Force explosive – Force maximale – Force volume)

Cependant, dans de nombreux cas, l’utilisation de charges lourdes ne se justifie plus et est même complétement inappropriée à l’objectif poursuivi (Objectif  n°2 et n°3a). Il devient ainsi possible d’atteindre ses objectifs en utilisant les parcours en cardio-training, les élastiques, les mini-haltères, le home trainer ou la corde à sauter par exemple qui vont favoriser le développement de la Force par une meilleure coopération neuro-musculaire parallèlement à l’augmentation du nombre d’unités motrices.

Il n’existe donc pas une musculation unique mais plusieurs musculations répondant ainsi à des objectifs bien précis. L’important est donc de bien choisir afin que les exercices réalisés soient ciblés au mieux en vue de les faire correspondre aux effets attendus.